Qu’est-ce que la mutualisation énergétique ?
La mutualisation énergétique est un dispositif introduit par le décret tertiaire (dispositif Éco Énergie Tertiaire) et pleinement opérationnel depuis 2023-2024. Elle permet à un même propriétaire, ou groupe d’entités liées, de compenser le non-respect des objectifs de réduction de consommation (en valeur relative ou absolue) d’un ou plusieurs bâtiments par les surperformances réalisées sur d’autres bâtiments du même portefeuille.
Autrement dit, il ne s’agit plus d’atteindre la cible réglementaire bâtiment par bâtiment, mais de raisonner à l’échelle d’un ensemble cohérent (parc immobilier, groupe, foncière, collectivité, etc.). Les « crédits » d’économies réalisés sur certains sites peuvent être réaffectés pour couvrir les « déficits » d’autres, à condition de respecter les modalités prévues par le décret et la plateforme OPERAT.
Cadre réglementaire et fonctionnement sur OPERAT
La mutualisation énergétique est encadrée par :
- L’article R.131-39 du Code de la construction et de l’habitation,
- Les textes d’application du décret tertiaire (arrêté du 10 avril 2020 et suivants),
- La documentation officielle et FAQ de la plateforme OPERAT (ADEME).
Fonctionnement sur OPERAT :
- L’entité qui souhaite mutualiser doit regrouper au sein d’un portefeuille l’ensemble des bâtiments concernés, tous assujettis au décret tertiaire, au nom d’une même entreprise ou d’un groupe (même SIREN, ou entités liées).
- Chaque bâtiment continue à faire l’objet d’une déclaration distincte de consommations annuelles, mais la mutualisation est demandée via la fonctionnalité dédiée sur OPERAT.
- L’outil agrège les résultats : les surperformances d’un ou plusieurs sites (dépassement des objectifs) sont créditées et peuvent compenser les sites sous-performants.
- La mutualisation s’applique exclusivement aux objectifs d’économie d’énergie (méthode relative ou absolue), et non aux obligations spécifiques (comme l’installation de GTB/BACS ou de bornes de recharge) qui restent à la charge de chaque site.
Qui peut bénéficier de la mutualisation ?
La mutualisation énergétique s’adresse principalement :
- Aux propriétaires de parcs immobiliers tertiaires (foncières, groupes hôteliers, bancaires, enseignes de commerce, gestionnaires de centres commerciaux, etc.)
- Aux collectivités et établissements publics disposant de plusieurs bâtiments tertiaires
- Aux grandes entreprises multi-sites
- Aux gestionnaires de portefeuilles immobiliers d’entreprise
Conditions :
- Les bâtiments doivent tous être assujettis au décret tertiaire (surface ≥ 1 000 m² ou ensemble de bâtiments atteignant ce seuil)
- Les entités doivent être juridiquement liées ou faire partie d’un même groupe
- La mutualisation doit être déclarée et justifiée sur OPERAT
Exemples concrets de mutualisation énergétique
Exemple 1 : un groupe bancaire La direction immobilière d’un groupe bancaire possède 100 agences en France. Certaines agences urbaines, rénovées récemment, dépassent largement les objectifs (-50 % de consommation par rapport à la référence). D’autres, situées dans des bâtiments anciens, n’atteignent pas la cible des -40 % en 2030 malgré les efforts. Grâce à la mutualisation, le groupe peut utiliser le « crédit » d’économie des agences performantes pour compenser les agences en difficulté.
Exemple 2 : un gestionnaire de centres commerciaux Un gestionnaire détient 6 centres commerciaux. Trois ont fait l’objet de rénovations lourdes et affichent une performance énergétique exemplaire ; les trois autres, plus anciens, peinent à suivre. Plutôt que de subir des sanctions sur les centres en retard, le gestionnaire mutualise l’ensemble : les économies réalisées sur les centres rénovés couvrent le déficit des autres.
Exemple 3 : une collectivité locale Une communauté de communes gère des bâtiments administratifs, écoles et équipements sportifs tertiaires. Grâce à la mutualisation, elle peut gérer son plan pluriannuel de travaux avec souplesse, priorisant les sites à fort potentiel d’économies, sans être pénalisée sur les sites patrimoniaux difficiles à rénover.
Étapes pour la mise en place :
- Recenser le patrimoine concerné
Identifier l’ensemble des bâtiments tertiaires assujettis, avec leur SIREN/SIRET, leur activité, leur surface et leur historique de consommation. - Créer le portefeuille mutualisé sur OPERAT
Déclarer chaque bâtiment individuellement, puis créer l’entité de mutualisation via la fonctionnalité dédiée. - Choisir la stratégie d’objectifs
Prendre en compte la méthode choisie (relative ou absolue) pour chaque bâtiment. - Déclarer annuellement les consommations
Collecter et intégrer les données de chaque site. - Vérifier les résultats agrégés
Analyser les crédits/débits d’économie d’énergie et ajuster la stratégie. - Anticiper la communication
Prévoir l’affichage des attestations Éco Énergie Tertiaire pour chaque bâtiment, y compris ceux bénéficiant de la mutualisation. - Archiver et préparer les justificatifs
Conserver tous les éléments de preuve (travaux, consommations, audits) pour chaque site.
Avantages stratégiques de la mutualisation
- Flexibilité d’investissement : permet de prioriser les travaux là où ils sont les plus efficaces et les plus rentables, sans être contraint de rénover tous les sites en même temps.
- Réduction du risque financier : évite l’exposition à des amendes ou au « name and shame » sur un ou plusieurs bâtiments en difficulté.
- Optimisation du reporting : permet une gestion centralisée de la conformité, avec un suivi global des objectifs réglementaires.
- Effet levier pour la valorisation immobilière : un groupe qui mutualise et affiche des performances collectives solides renforce sa crédibilité auprès des investisseurs et des partenaires.
- Adaptation aux réalités du terrain : facilite la gestion des sites patrimoniaux, des contraintes techniques ou des changements d’usage.
Précautions, limites et bonnes pratiques
- La mutualisation ne doit pas être un prétexte pour abandonner les sites les moins performants : il est essentiel de construire un plan de rénovation équilibré à moyen terme.
- La gestion documentaire reste clé : chaque bâtiment doit pouvoir justifier de ses actions, même en cas de mutualisation.
- Le choix des bâtiments à inclure dans le portefeuille mutualisé doit être réfléchi : attention aux impacts sur les indicateurs globaux et à la cohérence des usages.
- Les modalités de mutualisation peuvent évoluer : une veille réglementaire régulière est recommandée.
- Anticiper la fin de mutualisation : il peut être stratégique de planifier des transferts de performances ou des arbitrages en cas de cession, fusion ou restructuration du patrimoine.
FAQ mutualisation décret tertiaire
La mutualisation est-elle automatique ?
Non, elle doit être déclarée sur OPERAT. Elle nécessite une gestion active et des choix stratégiques.
Quels types de bâtiments peuvent être mutualisés ?
Tous les bâtiments tertiaires assujettis appartenant à un même propriétaire ou groupe peuvent être inclus, sous réserve qu’ils soient correctement déclarés.
La mutualisation permet-elle de s’affranchir de tous les objectifs individuels ?
Non. Les obligations spécifiques (GTB, bornes, affichage) restent à la charge de chaque bâtiment.
Quels sont les risques en cas de mauvaise gestion ?
En cas de déficit global, l’ensemble du portefeuille est exposé aux sanctions et à la publication des contrevenants.
Conclusion
La mutualisation énergétique bouleverse la gestion réglementaire du secteur tertiaire en 2025. Elle offre des marges de manœuvre sans précédent pour atteindre les objectifs du décret tertiaire, tout en optimisant les investissements et la stratégie énergétique à l’échelle d’un parc. Pour en tirer tous les bénéfices, il est essentiel d’anticiper, de structurer et de piloter avec rigueur sa démarche, en s’appuyant sur les outils numériques et une expertise adaptée.