Un niveau d’obligation rehaussé pour accélérer la transition
Dans notre accompagnement des entreprises tertiaires, nous constatons que l’annonce d’un objectif de 1 050 TWh cumac par an sur 2026-2030 suscite des interrogations légitimes. Ce niveau représente une hausse significative par rapport à la cinquième période, avec pour objectif d’intensifier l’effort d’efficacité énergétique dans tous les secteurs.
L’obligation spécifique « Précarité énergétique » est fixée à 280 TWh cumac par an, soit un coefficient de 0,364 par rapport à l’obligation classique. Ce maintien d’un niveau élevé confirme la priorité accordée à la lutte contre la précarité énergétique, particulièrement importante pour les bâtiments tertiaires accueillant du public ou des services sociaux.
La période passe de quatre à cinq ans (2026-2030), offrant une visibilité accrue aux acteurs du marché tout en permettant un pilotage plus fin des objectifs sur le long terme. Cette extension temporelle facilite la planification pluriannuelle des investissements énergétiques dans le tertiaire.
Évolution des coefficients d’obligation
Les coefficients d’obligation par énergie évoluent significativement avec des hausses généralisées liées au rehaussement du niveau global. Le fioul domestique atteint 8 719 kWhc/m³, les carburants 8 350 kWhc/m³, tandis que l’électricité s’établit à 0,894 kWhc/kWh et le gaz naturel à 0,806 kWhc/kWh PCS.
Ces évolutions reflètent la volonté de maintenir la pression sur tous les vecteurs énergétiques tout en tenant compte de la baisse anticipée des consommations globales d’énergie finale, estimée à 1 381 TWh en 2030 selon le projet de PPE 3.
Priorité affirmée à la rénovation d’ampleur
Notre expérience terrain montre que la sixième période CEE orienterait délibérément les financements vers les projets de rénovation globale plutôt que vers les actions isolées. Cette évolution stratégique répond aux enjeux de performance énergétique du décret tertiaire et à la nécessité d’atteindre des gains durables.
Le maintien et le renforcement des bonifications « Coup de pouce Rénovation d’ampleur » et « Rénovation performante de bâtiment résidentiel collectif » témoignent de cette orientation. Pour le secteur tertiaire, cela se traduit par un soutien renforcé aux projets intégrés combinant isolation, systèmes de chauffage performants et gestion technique du bâtiment.
Suppression de fiches ciblées
La suppression annoncée des fiches BAR-TH-167 (chauffe-bain individuel), BAR-TH-150 et BAT-TH-140 (PAC à absorption) et BAT-TH-141 (PAC à moteur gaz) s’inscrit dans cette logique de recentrage. Ces suppressions visent les équipements fonctionnant aux énergies fossiles hors appoint, cohérentes avec les objectifs de décarbonation.
Dans notre accompagnement des entreprises tertiaires, nous anticipons que ces suppressions nécessiteront une révision des stratégies de financement pour les projets concernés, avec un basculement vers des solutions électriques ou renouvelables.
Mobilité électrique professionnelle en ligne de mire
La sixième période CEE accorde une place importante à la mobilité électrique professionnelle avec le maintien et l’extension des bonifications transport. Les fiches TRA-EQ-114 (VUL électriques personnes morales), TRA-EQ-128 (bus et cars électriques) et TRA-EQ-129 (poids lourds électriques) bénéficient de soutiens renforcés.
Cette orientation répond aux besoins croissants des entreprises tertiaires en matière d’électrification de leurs flottes de véhicules utilitaires et de transport de marchandises. Notre expertise en accompagnement énergétique montre que ces dispositifs s’articulent parfaitement avec les projets d’autoconsommation photovoltaïque et les bornes de recharge obligatoires.
Nouvelles fiches de mobilité douce
L’évolution de la fiche TRA-EQ-131 sur les vélos-cargos électriques et les perfectionnements apportés à TRA-EQ-130 (quadricycles électriques) illustrent l’élargissement du dispositif CEE à la mobilité douce professionnelle. Ces outils financiers accompagnent la transformation des modes de livraison urbaine, particulièrement pertinents pour les secteurs du commerce et des services.
Renforcement du contrôle et de la lutte contre la fraude
La sixième période CEE introduit des mesures drastiques de renforcement du contrôle avec des exigences d’indépendance totale des organismes d’inspection. L’absence de lien capitalistique, direct ou indirect, entre les organismes d’inspection et les demandeurs de CEE vise à garantir l’objectivité des contrôles.
Dans notre pratique d’accompagnement réglementaire, nous observons que ces évolutions nécessitent une professionnalisation accrue de la chaîne de contrôle, avec des impacts directs sur les coûts et délais de traitement des dossiers CEE.
Digitalisation et traçabilité renforcées
La refonte du registre national des CEE prévoit l’intégration de données de suivi renforcées : numéros de compteurs PCE/PDL, SIRET des bénéficiaires, coûts des travaux et montants des autres aides. Cette digitalisation facilite la détection des doublons et améliore l’évaluation de l’efficacité du dispositif.
L’obligation de déclarer les opérations CEE dès leur engagement, en plus de leur achèvement, offre une visibilité en temps réel sur les projets en cours et permet un pilotage plus fin des volumes.
Programme PRODICEE : évaluation et lutte contre la fraude
L’innovation majeure de la sixième période réside dans le lancement du programme PRODICEE, porté par l’ADEME avec un budget de 80 M€ sur quatre ans. Ce programme développe des outils d’évaluation technique et économique du dispositif CEE ainsi qu’un système d’information pour la lutte contre la fraude.
Notre expertise en gestion de projets CEE nous amène à anticiper que PRODICEE renforcera significativement les exigences documentaires et les contrôles visuels à distance. Cette évolution nécessite une adaptation des processus internes des entreprises tertiaires pour garantir la conformité de leurs projets.
Impacts sur les programmes CEE
Le plafond des programmes CEE est fixé à 500 TWh sur la période 2026-2030, contre 357 TWh sur la cinquième période. Cette hausse témoigne de l’importance accordée aux programmes collectifs et territoriaux dans l’atteinte des objectifs énergétiques.
Les nouvelles exigences en matière d’audit, de bilan de fin de programme et de lutte contre la fraude renforcent les contraintes opérationnelles mais garantissent une meilleure efficacité des financements alloués.
Calendrier de mise en œuvre et adaptation des entreprises
Dans notre accompagnement des entreprises tertiaires, nous recommandons d’anticiper dès maintenant les évolutions de la sixième période CEE. Le calendrier prévoit une adoption du décret pour début automne 2025, avec une entrée en vigueur au 1er janvier 2026.
Les entreprises doivent finaliser leurs projets éligibles à la cinquième période avant fin 2025 et adapter leurs stratégies énergétiques aux nouvelles priorités : rénovation globale, mobilité électrique et exigences de contrôle renforcées.
Préparation des dossiers de délégation
Les délégataires peuvent dès maintenant préparer leurs « pré-dossiers » de délégation P6 via le PNCEE, facilitant l’instruction dès la publication officielle du décret. Cette anticipation est cruciale pour sécuriser l’éligibilité des projets dès le 1er janvier 2026.
Perspectives pour le secteur tertiaire
La sixième période CEE redéfinit profondément l’écosystème de financement de l’efficacité énergétique avec des exigences accrues mais des opportunités élargies. Pour les entreprises tertiaires, cette évolution impose une approche plus intégrée et professionnalisée des projets énergétiques.
Notre vision stratégique de l’accompagnement énergétique s’adapte à ces nouvelles règles en privilégiant les approches globales combinant rénovation performante, mobilité électrique et digitalisation des processus. La réussite dans ce nouveau cadre nécessite une expertise technique renforcée et une veille réglementaire continue pour maximiser les opportunités de financement disponibles.
Cette transformation du dispositif CEE s’inscrit dans la dynamique plus large de la transition énergétique française, avec des objectifs ambitieux qui nécessitent une mobilisation renforcée de tous les acteurs du secteur tertiaire pour atteindre les cibles de réduction des consommations énergétiques.